Prologue
Il
y a plusieurs légendes qui racontent la façon dont le monde a été créé. Une
multitude de livres existent déjà sur le sujet. Néanmoins, personne n’est
immortel, alors il est impossible d’en être sûre. Cependant, nous sommes
certains d’une chose : notre monde a toujours été divisé en trois parties.
On retrouve la dimension céleste au sommet, tout au bas se trouve la dimension
infernale et au centre se trouve celle des humains, que tout le monde connait,
mais également celle des créatures magiques.
Au
tout début, ces deux espèces vivaient ensemble. Tout le monde avait la chance
d’utiliser la magie sans problèmes. Le monde lui-même ainsi que les sociétés
étaient organisés en fonction d’un système très complexe basé sur la magie.
Seulement, les années passèrent et les choses ne furent plus ce qu’elles
étaient.
Certaines
personnes abusèrent de cette puissance. Seulement, ce qu’ils ne savaient pas,
c’était que la magie en elle-même était constituée d’énergie pure dégradant
notre monde et le détruisant à petit feu.
Les
dirigeants de l’époque constatèrent que la terre se dirigeait vers l’apocalypse
s’ils continuaient ainsi. Ils durent donc prendre une grande décision. Sachant
que cela déclencherait des conflits mondiaux, mais n’ayant pas d’autres choix,
ils décidèrent d’unir leur force et leur puissance afin de créer une nouvelle
dimension. Une dimension où la magie elle-même y serait enfermée. Ainsi, seul
un petit nombre de personnes y aurait accès et cela empêcherait la destruction
du monde tel que nous le connaissons.
C’est
ainsi que petit à petit, tous les sortilèges disparurent de la société tout
comme les créatures et les monstres que nous considérons aujourd’hui comme de
simples légendes. Bien entendu, il y eut plusieurs personnes qui protestèrent
cette décision, inconscients de ce qui se passait. Les luttes se poursuivirent
sur plusieurs siècles, les gens s’acharnant afin de récupérer ce qui leur était
jadis acquis. Puis, petit à petit, la magie finit par disparaitre des croyances
humaines afin de ne devenir qu’un mythe. Une légende en laquelle plus personne
ne croit.
Tel
est l’histoire de la magie à travers les livres anciens.
Chapitre
1
Entouré
de hauts bâtiments, Rey marchait en plein centre-ville. Cela faisait déjà
plusieurs années que son père avait déménagé en France, tout comme lui
puisqu’il n’avait eu d’autre choix que de le suivre. Il avait fini par s’y
habituer, bien que l’Angleterre lui manque par moment.
Pressé,
il se faufilait à travers la foule, ou plutôt, poussait les gens qui avaient le
culot de se trouver sur son chemin. Il n’avait pas de temps à perdre avec de
telles futilités.
« Sérieusement,
ils n’ont rien de mieux à faire que de perdre leur temps ici? Je devrais les faire
arrêter pour moins que ça! »
Retenant
sa frustration du mieux qu’il pouvait, il continuait d’avancer en ligne droite,
fixant les gens avec un regard intense afin qu’ils s’écartent de son chemin. Après tout, mieux valait exploiter son rang de
noble. Ce n’était pas tous les jours que de simples citoyens avaient la chance
de voir un noble en chair et en os!
Chassant
ces pensées de son esprit, il traversa rapidement la rue avant de tourner vers
la droite, évitant de justesse une file d’automobiles. S’il perdait encore son
temps, il serait définitivement en retard et il ne pouvait pas se le permettre.
Accélérant
le pas, il monta les marches deux par deux avec l’élégance qui lui était propre
avant d’arriver devant une grande porte massive entièrement faite de bronze qui
était décoré de gravures d’animaux mystiques plutôt uniques en leur genre. Il
tira la lourde porte avec toute la force que ses maigres bras possédaient et se
glissa dans l’ouverture.
Il
attendit un peu que ses yeux s’habituent à l’obscurité avant de s’aventurer
plus loin. Il n’y avait comme éclairage que de simples torches accrochées ici
et là. Les murs de briques et le sol de marbre rappelaient un endroit rustique.
C’était loin d’être un palais ou même une maison. On aurait plutôt dit une
vieille crypte abandonnée ou quelque chose de tout aussi glauque. C’était
plutôt difficile à dire considérant l’état des lieux.
Cette
salle était assez spacieuse pour que ses pas résonnent en échos, réduisant
ainsi à néant sa discrétion. Il n’y avait aucun meuble. Seuls plusieurs piliers
éparpillés venaient décorer la pièce.
Il
dut se rendre jusqu’à la moitié de la salle avant de sentir un engourdissement
dans tous les membres de son corps. Il connaissait très bien cette sensation,
mais jamais il ne s’y habituerait. C’était grâce à ce sentiment qu’il pouvait
confirmer la présence de magie dans l’air.
— Appareo, murmura Rey d’une voix ferme.
Une
vague d’énergie emplit la pièce. On aurait dit une vague d’eau accompagnée de
plusieurs boules de lumière qui se répandaient partout dans l’air devant lui.
C’est
ainsi que ce qui était dissimulé dans la salle apparut devant lui. D’énormes
étagères allant jusqu’au plafond entouraient toute la pièce, débordantes de
livres et d’objets magiques de toutes sortes. Aux murs étaient accrochés des
ingrédients aussi fascinants que répugnants. Un lustre autour duquel diverses
créatures magiques volaient était accroché au plafond augmentant ainsi la
luminosité de l’endroit.
Il
y avait également des plantes qui poussaient le long des murs et sur le
plancher déjà recouvert d’une mousse épaisse.
« Probablement
un jardin botanique intérieur j’imagine… quoique je ne m’y risquerais pas…J’opterais
plutôt pour de l’insalubrité… » pensa-t-il pour lui-même.
Il
remarqua finalement un vieil homme plus loin dans un coin de la salle, situé
derrière un meuble en acajou. Rey se demanda comment il pouvait s’y retrouver
tellement il y avait de papiers éparpillés, de substances inconnues dégoulinantes
et d’objets pèle mêles.
Il
lui était impossible de voir le visage du vieil homme, car celui-ci portait une
toge munie d’un capuchon qui lui couvrait les yeux. Celui-ci daigna finalement
lui porter attention et leva sa vieille main ridée afin de le saluer. Ce simple
geste sembla lui demander énormément d’effort.
—
Ah, c’est encore vous, jeune homme, dit l’homme de sa voix roque.
—
Oui. Justement, je suis venu vous voir car j’aurais besoin d’un peu plus
d’ingrédients que prévu.
Il
fit quelques pas afin de se rendre jusqu’à lui et sortit de son smoking une
longue liste qu’il lui tendit avec empressement.
—
Pensez-vous tout avoir ici? demanda Rey d’une voix qui ne cachait pas son
impatience et son scepticisme.
—
Des intestins de dragons noirs?... des langues de trolls moisit… des
champignons cyclopes mutants… mais pourquoi diable avez-vous besoin de ce genre
d’ingrédients? dit-il d’une voix chevrotante.
—
Depuis quand questionnez-vous vos clients sur leurs intentions? répondit Rey avec
une arrogance montrant qu’il n’avait aucunement l’intention de se justifier.
—
Bien sûr, mais…
—
Pouvez-vous me procurer tous ces ingrédients? insista Rey.
—
Oui, mais…
—
Pardon? le coupa Rey d’une voix tranchante.
—
Oui.
—
Très bien. J’attendrai ici.
—
Bien.
Sur
ce, le vieil homme partit d’un pas trottant dans une salle adjacente et
commença à réunir les divers ingrédients comme demandés.
Rey
soupira et regarda sa montre. Il était déjà 15h22. Il ne restait plus qu’une
demi-heure pour faire tout ce qu’il avait prévu. Il devait faire vite, sinon
son plan tomberait à l’eau.
Incapable
de rester tranquille, il décida de se promener dans la salle afin d’inspecter l’inventaire.
«
On ne sait jamais, peut-être que je vais trouver des choses intéressantes. Quoi
que dans un endroit comme celui-ci… »
Un
air de dédain peint sur le visage, il s’approcha de la bibliothèque la plus
proche. Une boîte en or, un masque serti de pierres précieuses et une bague
massive attirèrent son attention. Deux des objets n’étaient pas magiques, alors
son intérêt se dissipa rapidement. Cependant, la bague semblait avoir quelque chose
de spécial. Sur le dessus, un lion ailé ressortait légèrement de la bague.
Celui-ci avait un saphir dans la poitrine et était perché sur un symbole
celtique quelconque qu’il n’arrivait pas à identifier. L’anneau avait la forme
d’un losange et possédait maints détails qui lui apportaient une certaine
richesse.
Ce
symbole était curieux et la qualité de ce bijou était sublime. Lui, qui avait
grandi dans un milieu rempli de richesses, était subjugué par la beauté de cet
ouvrage.
Ne
pouvant s’en empêcher, il regarda derrière lui afin de s’assurer que le vieil
homme était parti et tendit la main afin de toucher la bague. Lorsque son doigt
entra en contact avec elle, il reçut une décharge électrique qui le parcourut de
la tête aux pieds. Serrant les dents, il retint un juron au fond de sa gorge
juste avant d’entendre du bruit derrière lui.
Il
prit une grande respiration, tentant d’avoir l’air le plus naturel possible, puis
se retourna. Le vieil homme le fixait. Il tenait tous les ingrédients dans ses
mains.
—
Vous avez l’argent au moins? demanda le vieil homme, perplexe.
—
Bien sûr, pour qui me prenez-vous?
«
Ça devrait se voir juste en me regardant d’ailleurs! Il a besoin de lunette?... » pensa-t-il amèrement.
Il
sortit de sa poche une somme rondelette qu’il compta rapidement. Il lui tendit
le strict nécessaire pour ses achats. Puis, il pointa le bijou qui avait attiré
son attention.
—
Combien pour cette bague? demanda-t-il intrigué.
Le
vieil homme le regarda avec dégoût. Il n’aimait pas les gens en général, mais
chez lui il détestait son arrogance.
—
Elle vous intéresse? Je suis surpris que quelqu’un de votre niveau s’intéresse
à quelque chose d’aussi insignifiant, dit-il avec un sourire moqueur. Elle ne
vaut pas grand-chose.
—
Je n’ai pas de temps à perdre. Combien? répéta Rey.
—
Puisque c’est toi, je veux bien te la vendre pour 500 dollars, répondit le
vieil homme de plus en plus amusé.
—
Vous aviez dit que c’était sans valeur, non? s’énerva Rey devant le regard
moqueur du vendeur.
—
Exactement. Ce prix n’est rien pour quelqu’un de votre niveau non?
—
Tch. Parfait. Tenez, finit le blond avec amertume en lui tendant la pile de
monnaie.
Le
vendeur sourit avec contentement tout en lui remettant ses achats de la journée.
Rey quant à lui se dépêcha de partir en se contentant d’un simple signe de tête
pour signaler son départ. Il prononça à nouveau la formule pour ouvrir le
portail et retourner d’où il venait. À nouveau seul, il admira pendant un court
instant la bague qu’il venait de s’approprier.
«
J’ai payé 500 dollars pour ça… Ce n’est pas si dispendieux, mais je me demande
ce qu’il m’a pris. J’ai l’impression de connaître ce symbole. »
À
son grand étonnement, il remarqua que le chaton de la bague s’était relevé. À
l’intérieur se trouvait une petite flasque avec un liquide bleuâtre. Surpris,
il tenta de la refermer avant de la glisser dans sa poche.
«
J’espère que ce n’est pas du poison » s’imagina Rey en se basant sur ses
connaissances de certaines coutumes de l’époque médiévale.
—
Dispereo! dit-il afin de retourner à la réalité.
Il
jeta un regard à sa montre. Il était déjà 3h37. Il n’avait plus de temps à
perdre. Il accéléra le pas, bousculant tous ceux qui se trouvaient sur son
chemin. Au moins, il n’était pas trop loin de sa destination finale. Coupant à
travers des ruelles peu fréquentées, il mit 10 minutes pour atteindre son but.
Il
arriva devant un grand manoir entouré d’arbres et d’une riche verdure. Il monta
les marches rapidement et ouvrit la grande porte en vitre qui le mena dans le
hall d’entrée. Il y avait de multiples corridors devant lui ainsi qu’un
escalier à sa droite. Un major d’homme marcha calmement dans sa direction et le
salua poliment avant de lui offrir de prendre son manteau. Sans se faire prier,
il lui remit le morceau de tissus tout en s’assurant de bien avoir retiré la
bague de ses poches, puis il entreprit de monter les 2 escaliers en colimaçons
afin de se rendre au 3e étage.
Il
traversa quelques corridors décorés de façon superficielle avant de finalement arriver
à sa chambre. Il entra et ferma la porte derrière lui tout en s’assurant de la
verrouiller.
Un
énorme lit baldaquin rouge vif, une commode, une bibliothèque et une grande
armoire étaient les seuls meubles de la pièce. L’endroit était éclairé par un
grand orbe décoré de diamants suspendu au plafond et par une fenêtre 3 fois
trop grande pour lui située dans le coin opposé de la pièce. Elle offrait une
vue sur le centre-ville.
Il
déposa sa nouvelle trouvaille sur sa commode et vida le sac d’ingrédients qu’il
venait d’acheter sur son lit avant de se diriger vers son immense garde-robe.
Il dut déplacer quelques boîtes avant de peser sur le mur à un endroit
spécifique. Une trappe apparut sur le sol. C’était là qu’il cachait tout son
matériel de magie. Après tout, personne ne savait qu’il avait de tels pouvoirs
et il entendait bien le garder ainsi.
Il
fouilla parmi les divers objets qui s’y trouvaient et en retira un
chaudron, des éprouvettes et une craie
faite de sang de gobelins cristallisé. Ce genre d’ingrédients était facile à
trouver quand on savait où chercher. Il marcha rapidement jusqu’à son armoire.
—
Appareo, dit-il en agitant une main.
Ce
sort lui permettait de pénétrer dans l’autre dimension comme il l’avait fait
plus tôt dans la journée, mais également de créer et de fusionner la dimension
magique à celle de la réalité. C’était un très bon moyen pour cacher des objets
de haute importance loin des yeux des indiscrets. L’armoire avait changé de teinte. Il l’ouvrit
et scruta l’intérieur. Il y avait 3 étages, chacun destiné à des types
d’ingrédients différents. Il prit rapidement ce dont il avait besoin et
retourna vers le lit les mains pleines.
— Dispereo, dit-il en pointant l’armoire
tout en s’affairant à autre chose.
Elle
reprit son apparence initiale. Il se dirigea vers la fenêtre et l’ouvrit,
connaissant très bien les odeurs pestilentielles que provoquerait ce sortilège.
Il déposa son chaudron sur le sol puis claqua des doigts afin qu’un feu
s’allume en dessous. Il le remplit d’un liquide âcre et opaque et le laissa
bouillir. Entre temps, il prit la craie abjecte et commença à dessiner un pentagramme
sur le sol. Comme il n’était encore que débutant dans ce domaine, il dut lire un
vieux livre poussiéreux afin d’être certain de ne faire aucune erreur.
Cela
faisait déjà plusieurs années qu’il lisait ce genre de livres et collectait
toute l’information disponible sur la magie noire. Il avait commencé à
s’intéresser à ce sujet dès l’âge de 8 ans et l’avait déjà pratiqué à quelques
reprises. Seulement, il n’était pas habitué à utiliser ce genre de formules
complexes.
Il
traça trois cercles concentriques et dessina ensuite une étoile à 6 pointes en
son centre, avant d'écrire des noms d’esprits, de dieux et d’êtres féériques à ses
extrémités. Il ajouta ensuite quelques symboles avant d’ouvrir un flacon avec
une teinte violette qu’il versa par-dessus. Il prononça ensuite quelques
paroles incompréhensibles avant de laisser tomber une plante vénéneuse encore
toute fraîche et touffue à l’intérieur du pentagramme. Celle-ci se dessécha
avant même d’atteindre le sol, laissant derrière elle une mince poudre qui se
dissipa dans l’air ainsi qu’une odeur peu ragoutante.
Rey
fut parcouru de frissons et sentit une lourde pression tout autour de lui. Il
aurait pu jurer qu’il n’était pas seul dans cette pièce, et pourtant… Il avait
même l’impression que quelque chose l’agrippait de toutes ses forces. Il prit
une grande respiration et prit le chaudron qu’il amena au centre du cercle tout
en s’assurant de ne pas en sortir. Qui sait ce qui aurait pu arriver s’il avait
commis une telle erreur?
L’eau
avait commencé à bouillonner. Il y jeta tous les ingrédients en s’assurant de
suivre correctement le dosage et leur préparation. Puis, il brassa la mixture
orangée qu’il venait de créer avec une branche de saule.
Il
pouvait voir dans le liquide des visages se former à l’intérieur et pousser des
cris muets de désespoir. Ils se promenaient et s’agitaient comme s’ils
tentaient de sortir du chaudron. Il ferma les yeux et compta une minute
exactement.
— Finitum!
Il
frappa le chaudron en même temps. Un peu de fumée émana de la potion, puis elle
tourna au vert. Les formes étranges avaient disparu et la surface était
redevenue aussi calme qu’auparavant.
La
pression chuta. Il put respirer normalement. Il s’essuya le front du revers de
la main, la concentration lui ayant demandé beaucoup d’effort.
—
Parfait! Tout s’est déroulé comme prévu!
Souriant,
il prit deux éprouvettes dans lesquelles il vida la mixture avant de les
déposer dans le dernier tiroir de sa commode.
— Nitidare! dit Rey afin de nettoyer sa
chambre.
Tout
ce qui traînait s’envola retournant à leur endroit respectif. Le chaudron était
redevenu propre et le pentagramme était également disparu. Cependant, l’odeur
fétide qui flottait dans l’air aurait pu le trahir très facilement. Il se
dirigea vers l’armoire qui, à présent, ne contenait plus que diverses
bouteilles et des objets faciles à trouver en magasins. Il en sortit une
bouteille dorée et vaporisa un parfum à l’arôme rafraichissant afin de faire
disparaitre toute trace de magie.
—
Il va falloir que je me modère sur la magie pour le reste de la journée…
C’est
à ce moment que la porte s’ouvrit sans avertissement, une servante s’arrêtant à
l'entrée. Il regarda sa montre du coin de l’œil. Il était maintenant 3h59. Il
soupira. Heureusement qu’il avait eu le temps de finir.
—
Monsieur, vous être attendu au salon de l’étage inférieur. Votre père m’a
demandé de venir vous chercher, Monsieur.
—
Oui bien sûr, j’arrive tout de suite. J’étais justement… en train de me
préparer afin de lui faire honneur, improvisa Rey en levant la bouteille de
parfum qu’il tenait.
—
D’accord monsieur. Je vais de ce pas lui faire le message, dit la servante en s’inclinant
brièvement avant de partir aussi rapidement qu’elle était arrivée.
Il
en profita pour refermer la porte derrière elle. Son père avait organisé, comme
à son habitude, une soirée avec toutes les personnes riches et célèbres qu’il
connaissait.
—
Je dirais plutôt tous les gens coincés de son entourage, dit Rey à haute
voix. Pourquoi dois-je assister à ce
genre d’événement!? C’est d’un ennui! Je crois bien que je ne m’y habituerai
jamais…
Il
serait obligé de passer une soirée complète avec des gens possédant trois fois
son âge et son poids afin de faire bonne parure. Comme d’habitude, il devrait
jouer un personnage charmant et enjôleur qui, d’ailleurs, était très loin de
lui coller à la peau.
Son
père avait pour habitude d’inviter tous ces gens afin de s’assurer qu’ils
continueraient de faire affaire avec lui. Il se vanterait de tous les objets de
valeur en sa possession et tenterait de leur montrer son côté grandiose et
honorable qui était loin de révéler sa véritable personnalité. De plus, il
était même prêt à exploiter son fils pour y arriver. C’était pour cette raison
qu’il était contraint d’assister à cette soirée qu’il le veuille ou non.
—
Tsss, avec tout ça… je n’aurai jamais le temps d’investiguer sur la bague…
Il
se dirigea vers sa commode et en sortit un smoking encore plus luxueux que
celui qu’il portait. Celui-là était brodé d’or. Sa garde-robe au complet
possédait des morceaux hors de prix. Il mit des souliers noirs nouvellement
cirés avec un pantalon de la même couleur fait sur mesure. Soupirant à nouveau,
il s’empara également d’une cravate qu’il mit avec répugnance. Il se regarda
brièvement dans le miroir accroché au mur, s’observant de la tête au pied. Il
replaça quelques mèches rebelles sur sa tête, les repoussant vers l’arrière
afin d'y ajouter un peu de gel.
—
Parfait, on dirait un fils de riche égocentrique et obéissant! Ça devrait faire
l’affaire.
Jetant
un regard une dernière fois sur sa chambre et sur sa commode, il rassembla le
peu de motivation qu’il avait avant de fermer la porte et de se diriger vers le
grand salon où il était attendu.
Chapitre 2
Un
jeune homme se démenait de gauche à droite. Il travaillait dans une vieille
auberge à l’éclairage lugubre, tentant de répondre du mieux qu’il le pouvait aux
demandes extravagantes de son patron et des clients.
—
Dépêche-toi! C’est ta dernière chance, s’énerva le chef d’une voix rauque.
Un
homme assez costaud était situé derrière un comptoir. Il s’affairait à nettoyer
les verres tout en gardant un œil sur son nouvel employé. Il ne le quittait pas
des yeux. Le jeune garçon de quatorze ans tentait de servir tous les clients
qui ne cessaient d’arriver les uns après les autres.
Pratiquement
toutes les tables étaient occupées. La salle était bondée de monde et les conversations
y faisaient rage ce qui créait un brouhaha assourdissant.
Pressé,
il s’empara de plusieurs assiettes ainsi que de quelques cocktails afin
d’accélérer un peu le processus. Seulement, au moment où il était sur le point
de servir ses clients, il trébucha et tomba sur un homme assis juste à côté de
lui. Celui-ci fut projeté au sol, tandis que les plats voltigèrent dans les airs.
Ayant encore une once d’espoir, le jeune employé se releva rapidement et tenta
de les rattraper. Seulement, en tentant de les saisir, il ne fit que les
pousser avec force et les envoya en direction de deux tables voisines.
—
Oh non, dit le jeune homme en regardant avec d’énormes billes bleues le
désastre qui se produisait devant lui.
La
nourriture éclaboussa tout ce qui se trouvait sur son chemin. La vaisselle
éclata en mille morceaux et l’ambiance habituellement chaleureuse devint tendue
et silencieuse. Une cliente se leva de table, offusquée, pressée d’aller
nettoyer la catastrophe qui venait d’arriver à ses vêtements. Malheureusement,
elle bouscula au passage la personne qui passait derrière elle.
—
T’es stupide ou quoi!? s’emporta le passant saoul. Fais un peu attention!
—
AH!? Tu me cherches toi!? répondit la jeune femme. T’a vu ce que ce minus a
fait à mes vêtements?
—
Je m’en fiche, dit-il en la bousculant.
C’est
à ce moment que l’amant de la demoiselle se leva et vint à sa rescousse,
menaçant l’homme saoul de se calmer s’il ne voulait pas perdre ses jambes.
Plusieurs autres cas similaires se produisirent un peu partout dans l’auberge.
Une bataille générale se préparait.
—
EDWIN! hurla son patron incapable de contenir sa rage plus longtemps. C’est déjà
la cinquième fois aujourd’hui, sans mentionner les autres événements survenus
durant la semaine!
—
Tout va s’arranger, dit-il d’un ton énergique. Je peux recoller la vaisselle et
puis la tension va bientôt retomber! Je vais tout nettoyer puis…
—
NON! Allez, dehors! Tout allait beaucoup mieux avant que je t’embauche!
—
Vous manquiez de personnel pourtant, non? mentionna Edwin d’une toute petite
voix.
—
Même avec moins d’employés, il n’y avait pas autant de problèmes! ALLEZ,
DEHORS, dit le vieil homme en le prenant par le collet et en le traînant vers
la porte.
—
Mais vous ne m’avez pas encore payé…
—
Tiens et disparais!
Il
poussa Edwin à l’extérieur qui tomba face la première contre le sol avant de
lui lancer son argent. Il claqua la porte derrière lui.
—
Il est vrai que je devais repayer les dégâts, mais 20 dollars... c’est de
l’abus, dit-il en soupirant.
Il
se releva et cogna à la porte fortement.
—
Alors on se revoit demain à 7h…? demanda-t-il d’une petite voix.
—
NON!
Découragé,
il regarda autour de lui en se grattant la tête. Les passants le fixaient et prenaient
soin de le contourner puisqu’ils avaient assisté à son expulsion. Il était 16h
et le soleil se coucherait d’ici quelques heures. Il faisait déjà un peu plus
frisquet. Les rues se vidaient lentement et les magasins ainsi que les
restaurants commençaient à fermer leur porte. Edwin soupira.
—
Être maladroit… ce n’est pas un drame pourtant! se plaignit Ed à voix haute. Si
ça continue, je vais avoir fait le tour de tous les emplois disponibles ici. Je
n’ai même pas d’endroit où dormir et je suis fauché!... Je devrais continuer à
me promener. Avec un peu de chance, j’ai encore le temps de me trouver un
endroit pour la nuit…
Il
avança jusqu’au bout de la rue avant de tourner à gauche. Il fit du porte-à-porte
une bonne partie de la soirée, tentant de marchander avec les gens, leur
offrant des services en échange d’un travail ou d’un endroit pour dormir. Les
gens refusaient prestement, ou encore ne lui ouvraient pas la porte. Sa
réputation était plus grande qu’il ne s’y serait attendu.
À
20h, il avait déjà parcouru une bonne partie du quartier et il planifiait se
rendre dans la partie ouest. Il traversa la rue, continuant d’aborder toutes
les personnes qu’il croisait. Il était toujours accueilli par la même réponse,
mais continuait à garder espoir.
Il
s’aventura sur une nouvelle rue et arriva devant une grande maison spacieuse.
Contrairement aux autres maisons l’entourant, elle possédait un très grand
terrain. Cependant, il était mal entretenu et l’endroit semblait assez
tranquille. Les lumières étaient éteintes.
—
Hm, peut-être que cette fois-ci ce sera la bonne.
Il
opta pour le chemin le plus rapide en coupant à travers le terrain de la
propriété. La pelouse semblait ne pas avoir été entretenue depuis des lustres.
Il monta les quelques marches du perron avant d’arriver devant une grande porte
en vitrail à laquelle il cogna lourdement.
—
Il y a quelqu’un? cria-t-il.
Il
cogna une seconde fois, puis une troisième. Il demeura sans réponse. Il décida
d’ouvrir la porte. Étrangement, il n’y eut aucune résistance. Elle était
débarrée. Il entra et referma derrière lui. Tout semblait propre et bien rangé.
L’endroit était sûrement encore habité même si c’était désert pour l’instant.
Il
entreprit d’explorer le premier étage suivi du deuxième. Il se trouvait dans le
salon et devant lui était la cuisine ainsi que la salle de bain. Il y avait quelques
pièces remplies de paperasses et de matériel divers dans un couloir un peu plus
loin. Au deuxième se trouvaient deux chambres à coucher et une salle d’invité.
Rien ne semblait anormal, excepté une passion sans borne pour la science et des
recherches de toute sorte. Il y avait des livres éparpillés un peu partout, des
éprouvettes, des cartes, des sondes, un télescope, une étuve de laboratoire, un
électromètre, un chronomètre, un baromètre, une balance, un four et beaucoup
d’autres choses qui lui étaient encore inconnues.
Ses
yeux restèrent ancrés sur le baromètre, incapable d’en détourner le regard.
L’objet était richement décoré. Le contour était doré tout comme le centre du
petit appareil. Une aiguille pointait vers des chiffres romains. Au-dessus
était inscrit « Météorologie, occultisme et science sont entrelacés par le
destin. » L’écriture était simple, mais raffinée. Il le prit dans ses mains
pour l’examiner de plus proche. En le soulevant, il remarqua un vieux bout de
papier caché en dessous.
—
Fait sur demande pour Gabriel Stravski. Ne pas oublier la date de
rencontre : mardi 12 Septembre, lut Edwin à haute voix. La date est déjà
passée! La rencontre était il y a déjà deux semaines, calcula-t-il. Peut-être
qu’il ne rentrera pas tout de suite. Je n’ai qu’à trouver Gabriel et à lui
remettre. Ça devrait lui rendre service! Peut-être que j’aurai une récompense
aussi, rêva Edwin avec enthousiasme.
Décidé,
il rangea le baromètre ainsi que la note dans l’une de ses poches, content de
pouvoir rendre service à quelqu’un. Il se releva et continua à farfouiller à
travers les différents objets qui trainaient dans la place.
—
On dirait bien qu’il n’y a vraiment personne, alors, ça ne devrait pas les déranger
si je leur emprunte la maison pour une nuit, dit-il en souriant.
Son
ventre vint interrompre ses pensées, s’emparant en même temps de toute son
attention. Il se leva et se dirigea vers la cuisine, ouvrant les armoires et le
réfrigérateur à la recherche d’un festin improvisé. C’était rare qu’il puisse
s’offrir un repas adéquat avec le peu d’argent qu’il gagnait.
Il
sortit plusieurs morceaux de viande qu’il fit cuir sur la poêle tandis qu’il se
gavait de biscuits et de tout ce qui lui tombait sous la main. N’ayant pas
l’habitude de cuisiner, il créa un véritable fiasco autant avec la viande qu’avec
tout ce qu’il touchait.
Lorsqu’il
eut fini de manger, malgré la pauvre qualité de son repas, mais tout de même
satisfait, il rangea tout dans le lavabo et se dirigea vers un sofa. Il se
laissa tomber dessus, épuisé. Il n’avait pas besoin de grand-chose pour être
satisfait. Il tomba endormi quelques minutes plus tard, repus.
***
Le
soleil matinal fit son apparition au petit matin, entrant par la fenêtre du
salon. Cette lumière intense vient l’extirper de son profond sommeil et le força
à revenir à la réalité.
Il
ouvrit les yeux, encore endormi, et se redressa lentement. Encore échevelé, il
baillât et se frotta longuement le visage.
—
Ah… J’avais oublié… Je ne suis pas chez moi…
Il
s’étira et se leva. Il planifiait partir bientôt sans savoir, comme à son
habitude, où il se rendrait. Il se dirigea vers la cuisine et sortit tous les
aliments de longue durée. Il les réunit sur la table et alla se chercher un sac
qu’il s’improvisa avec une taie d'oreiller. Il comptait s’en servir pour y
serrer son butin. Il fit un double nœud et s’assura de sa solidité. Lorsqu’il
eut fini, il sous-pesa le tout. Ce serait encombrant, mais il aurait assez de
nourriture pour quelques jours. Loin de lui l’idée de s’en plaindre.
Il
se dirigea vers l’entrée, mais au moment où il s’apprêtait à sortir, il
remarqua près de lui une porte entrouverte qu’il n’avait jamais remarquée jusqu’à
présent. Intrigué, il s’approcha de la porte et l’ouvrit lentement. Elle
donnait sur des escaliers en béton qui semblaient tourner vers la gauche. Il
déposa son sac devant la porte et décida de s’y aventurer, tout en cherchant
l’alternateur. Il descendit lentement les marches, le cœur battant, avant
d’aboutir dans le sous-sol qui ne semblait comporter qu'une très grande salle.
Il
finit par trouver l’interrupteur à tâtons et put enfin y voir quelque chose.
Incapable de se retenir plus longtemps, il lâcha un éternuement sonore qui
résonna dans toute la pièce, soulevant au passage un nuage de poussière. Une
odeur étrange l’agaçait. Il se frotta le nez puis il leva les yeux sur ce la
salle dans laquelle il venait d’arriver.
—
Oh!
La
décoration de cette pièce était assez douteuse et laissait transparaître un
bazar absent dans le reste de la maison. Des grigris de différentes cultures étaient
accrochés au plafond et sur les murs, allant du collier égyptien jusqu’aux
statuettes de grenouilles Japonaises.
Plusieurs symboles ésotériques y étaient adjacents, certains gravés et d'autres
dessinés avec une substance inconnue, autant sur les murs que sur le sol. Il était difficile de faire un pas sans
mettre les pieds sur un tas de feuilles ou encore de petits objets qui étaient,
la plupart du temps, emballés dans un plastique épais. Plusieurs documents de
recherche étaient adjacents à ces objets minutieusement conservés et
contenaient des données et des calculs qu’Edwin était incapable de comprendre.
Son
sens de la curiosité étant piquée à vif, il s’aventura encore plus loin dans
cette pagaille, explorant chaque recoin de la salle à maintes reprises. Il y
avait beaucoup trop de choses pour les mémoriser d’un simple coup d’œil. De plus en plus excité, il courait d’un bout
à l’autre de salle à la recherche d’éléments qui auraient pu lui échapper. Il
n’avait pas pour habitude d’entrer dans ce genre d’endroit, d’où son plaisir et
son intérêt pour toutes les connaissances contenu dans cette pièce. Son
excitation ne put contenir le nouvel éternuement qui franchit ses lèvres.
—
Atchoum! Ah… Pourquoi est-ce que… Ça sent vraiment bizarre! Le renfermé? Non. Je
ne me rappelle pas avoir déjà senti une telle odeur. Je me demande d’où ça
vient.
Un
arome subtil venait lui piquer le nez, trop forte pour pouvoir l’ignorer, mais
trop faible pour être capable de l’identifier. Après quelques minutes, il finit
par s’y habituer.
En
continuant de farfouiller, il trouva des esquisses de machines diverses, des feuilles
expliquant la hiérarchie des animaux mystiques, des livres parlant de rituels
magiques et de potions, certaines notes parlant également du chakra, de l’astrologie
et des arts divinatoires.
—
Il étudie vraiment tout! Je me demande combien de temps ça lui a pris à écrire
tout ça, se demanda Ed, songeur.
En
continuant son exploration, il repéra un objet brillant et volumineux dissimulé
derrière une pile de livres.
—
Je me demande ce que ça peut bien être! Peut-être un objet rare ou même magique,
murmura Edwin plein d’espoir.
Il
s’en approcha et tenta de l’atteindre en s’étirant du mieux qu’il put. Sa
petite taille ne l’aidait en rien. Il se mit sur la pointe des pieds et tenta
de l’attraper du bout des doigts.
—
Juste encore… un peu…
Son
poids étant mal distribué, il accrocha la pile de livres qui décida de prendre
sa revanche en s’écroulant sur lui.
Décontenancé,
il se retrouva allongé sur le sol enseveli sous la pile d’objets inanimés.
Sonné, il se releva tant bien que mal, une main sur la tête afin de l’aider à
ignorer le mal de tête qui l’assaillait. Son regard tomba sur le premier livre
qu’il y avait devant lui.
—
Atchou… Les francs-maçons? C’est quoi?
Il
reconnut certains des symboles sur la page couverture identique à ceux sur des
pièces de parchemins et sur d’autres livres aperçus dans le sous-sol.
Il
haussa les épaules et se releva. Il se dirigea à nouveau vers l’objet étincelant.
Cette fois, il put le saisir sans problème. C’était une vieille horloge non
fonctionnelle richement décorée, mais de mauvais goût.
—
Tout ça juste pour ça, dit-il d’un
ton déçu.
Il
le reposa d’un air maussade et se dirigea vers la sortie. Il aperçut un miroir en
se dirigeant vers les escaliers. Il regarda sa réflexion encore ensommeiller.
Ses cheveux bruns encore tout emmêlés lui arrivaient aux épaules. Ils faisaient
contraste avec la pâleur de sa peau. Ses vêtements fripés n’étaient composés
que d’un jean troué et d’un vieux chandail en coton qui montraient sa
simplicité d’esprit et son insouciance face à son apparence.
Continuant
son chemin, il épousseta ses vêtements et replaça un peu sa chevelure afin
d’avoir l’air légèrement plus présentable. Il remonta l’escalier afin de
retourner à l’entrée.
—
Ah, j’oubliais, dit-il dans un bref moment d’illumination.
Il
se dirigea vers la table du salon et fouilla dans sa poche afin d’en sortir son
dernier billet de 10 dollars. Il le déposa sur la table et retourna vers la
porte. Il saisit son sac et sortit de la maison en faisant certain de bien fermer
la porte derrière lui.